lundi

Nouvelles fraîches

Pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance de lire Justine, voilà la chance de votre vie :

1- Stanké met mon roman en promo à 14,95$ et organise du 6 au 15 juin, le concours : Pique-nique littéraire où le lecteur peut gagner un panier comprenant 7 livres d'auteurs québécois. Participez en grand nombre sur le site de Libre Expression.

2- Mon roman fait son entrée dans le monde numérique.


Annie


Vos commentaires

Bonjour tous le monde,

Merci à tous ceux qui m'ont fait parvenir des commentaires (et vous êtes pas mal nombreux) que ce soit par l'intermédiaire de ce blogue ou par courriel à l'adresse commentsetrouverunhomme@yahoo.ca. C'est vraiment apprécié. Vous ne savez pas à quel point vos encouragements sont quelquefois tombés à point et m'ont permis de passer au travers d'une journée plutôt difficile. Un merci spécial aux hommes qui ont fait un doigt d'honneur aux stéréotypes et ont eu le courage de me lire (je vous imagine, dans le métro, mon livre à la main, essayant désespérément de cacher la couverture); votre appui me fait chaud au coeur.

Bonne nouvelle, les droits de Justine ou Comment se trouver un homme en 5 étapes faciles ont été acheté par Québec Loisirs. Mon livre est maintenant disponible partout au Québec.

Annie

samedi

Salon du livre de Montréal

Bonjour à tous mes nombreux fans! (Laissez-moi rêver un peu),

Je serai au salon du livre de Montréal, le dimanche 21 novembre de 12h à 13h30 pour rencontrer les lecteurs. Venez me dire bonjour au stand de Stanké.

Au plaisir de vous rencontrer.

Annie

lundi

Une margarita, svp!

Pour accompagner les (futures) journées d'été caniculaires et accessoirement votre lecture. Voici la recette de la margarita :

1 1/2 once de tequila (la brune de préférence)
3/4 once de triple sec
Le jus de 1/2 lime
Une pincée de sucre
Beaucoup de glace pilée

Il ne faut pas trop en abuser, par contre.

jeudi

Trame sonore

Bonjour à toi, ami lecteur,

Mon livre est enfin en librairie et comme je sais que tu t'es précipité pour aller te le procurer, tu te demandes certainement ce que veulent dire les petits casques d'écoutes que tu rencontres lors de ta lecture. Eh bien, mon roman contient une trame sonore que tu peux aller écouter sur le site web de Stanké. Tu trouveras le lien ici à droite.

vendredi

Chapitres 1 et 2

Ami lecteur,


Voici les deux premiers chapitres de mon roman à paraître le 7 avril aux Éditions Stanké. N'hésite pas à me faire tes commentaires ou à m'envoyer tes questions à commentsetrouverunhomme@yahoo.ca. Je voudrais aussi encourager tous ceux qui ont une bonne anecdote de rendez-vous raté à la raconter sur ce blogue (voir Vox pop).



Cet ouvrage est une œuvre de fiction ; toute ressemblance avec des personnes ou des faits réels n’est que pure coïncidence.

Les liens Internet évoqués dans ce livre ne sont donnés qu’à titre indicatif, dans le seul but de faire connaître le travail des artistes mentionnés. L’auteure n’a pas téléchargé les fichiers et ne pourrait en aucun cas être tenue responsable de la disparition de l’un ou de plusieurs d’entre eux.

© Les Éditions internationales Alain Stanké, 2010

Groupe Librex inc. Une compagnie de Quebecor Media La Tourelle 1055, boul. René-Lévesque Est Bureau 800 Montréal (Québec) H2L 4S5 Tél. : 514 849-5259 Téléc. : 514 849-1388 www.edstanke.com

ISBN : 978-2-7604-1057-2



Chapitre 1

Je crois qu’on a quelque chose…

Lundi:jour–7

– Quoi ?!

Mes mains se crispèrent sur le clavier de mon ordinateur, sur lequel je pianotais distraitement en discutant au téléphone avec mon amant du moment.

– J’ai les couilles qui élancent ! répéta-t-il un peu plus fort. Mon cœur s’arrêta quelques secondes.

– Comment ça, t’as les couilles qui élancent ? murmurai-je pour ne pas alerter mes collègues de bureau, qui étaient déjà trop au courant de tout ce qui se passait dans ma vie.

– Ben, je ne sais pas. Depuis deux jours, ça me fait mal. Je crois qu’on a quelque chose.

Je crois qu’on a quelque chose.

– Je te rappelle, lui répondis-je d’une voix blanche avant de raccrocher. Ma semaine commençait plutôt mal.


Grâce à Internet, en quinze minutes, j’avais appris que ma vie était finie. Non seulement j’avais probablement la gonorrhée, la chlamydia et le sida, mais en plus j’avais vraisemblablement condamné l’enfant de mon amant en lui transmettant mes bibittes, car sa femme était enceinte.

Mes lèvres se mirent à picoter. Oh non ! Une boule de la taille du stade olympique se forma dans mon œsophage. Ensuite, mon cœur s’emballa et je remarquai que ma respiration était devenue sifflante. J’eus soudainement l’impression que mes poumons s’étaient transformés en passoire. Une terreur incommensurable m’envahit. Incontrôlable. En moins d’une minute, je soufflais comme une gazelle traquée par une lionne affamée. J’étais certaine que j’allais mourir.

Malgré tout, je savais parfaitement ce qui m’arrivait. J’étais victime d’une nouvelle crise de panique. Ma sixième. Je compris ce qu’il me restait à faire. Je me penchai sous mon bureau, j’agrippai mon sac à main et j’allai me réfugier dans les toilettes du troisième, où Valérie, la monteuse son, était en train de se brosser les cheveux.

Au bord de l’hystérie, j’ouvris mon sac et me mis à chercher frénétiquement mon flacon d’anxiolytiques. Comme je ne le trouvais pas assez vite, je renversai mon sac sur le comptoir et son contenu s’éparpilla dans tous les sens. Valérie me jeta un regard inquiet dans le miroir auquel je ne répondis pas car j’étais littéralement possédée par la peur de crever sur place. Je trouvai enfin un cachet que j’avalai avec une gorgée d’eau bue à même le robinet pendant que Valérie en profitait pour s’éclipser, mal à l’aise.

Je ramassai mes affaires et allai m’enfermer dans une cabine. Je m’effondrai sur le siège de la toilette, ouvris mon Moleskine et y repérai ma liste « Que faire en cas de crise de panique ». Point 1 : m’isoler ; c’était fait. Point 2 : prendre un anxiolytique ; c’était fait. Point 3 : me pencher vers l’avant et respirer dans un sac en papier ainsi que le recommandaient tous les sites Internet parlant de cette maladie. Comme je n’avais pas de sac en papier sur moi, je plongeai entre mes cuisses et pris plusieurs grandes bouffées d’un air qui sentait la merde et le déodorant chimique à l’odeur de rose. Je crois qu’entre les deux odeurs, je préfère celle de la merde. J’entendis ma copine Mélanie qui me parlait dans ma tête : « Relaxe, mon chou, tu le sais, tu es une drama queen et une hypocondriaque. Tu somatises. C’est juste dans ta tête. »

C’est juste dans ma tête ? me rétorquai-je sans trop y croire. Marc avait mal à la poche, ça, c’était bien réel.

Je pris mon cellulaire et hésitai quelques secondes entre faire le 911 afin de me dénoncer pour infanticide et appeler ma meilleure amie pour lui raconter mes derniers déboires.

Yo, babe!répondit Mélanie après la première sonnerie.

– Ma vie est finie ! balbutiai-je en me mettant à pleurer.

– Qu’est-ce qui se passe, poussin ? demanda mon amie, inquiète.

Je lui énumérai la liste de mes crimes et elle m’interrompit après : « Devrais-je m’immoler sur la place publique ? »

– Wo, wo, wo ! Attends, là ! Je ne comprends pas. Quand es-tu allée passer les tests ?

– Je ne les ai pas encore passés.

– Alors comment sais-tu que tu as quelque chose?

Je lui racontai mes recherches sur la Toile et les conclusions que j’en avais tirées. J’entendis un bruit bizarre. On aurait dit que ma meilleure amie venait de se dégonfler, mais elle reprit :

– T’exagères, poussin !

– Tu crois ? couinai-je en essuyant mon mascara qui avait coulé sous mes yeux avec le papier de toilette cheap du bureau.

– J’en suis sûre. Premièrement, il a mal à la poche, ça ne veut pas dire que vous avez une maladie vénérienne. Deuxièmement, c’est peut-être lui qui t’a refilé quelque chose. Après tout, s’il trompe sa femme avec toi, peut-être qu’il te trompe avec une autre fille.

Ce commentaire me resta dans la gorge. Je croyais être sa seule aventure extramaritale, mais comment en être certaine ?

– Peut-être, mais si sa blonde perd son bébé ?

– S’il l’a refilé à sa blonde, c’est son maudit problème, c’est lui qui est marié, pas toi. Je le sais que tu fais toujours attention, ça vient probablement de lui.

Elle avait raison, mais la culpabilité qui me rongeait depuis le début de mon aventure avec Marc n’allait pas disparaître avec un raisonnement, aussi juste soit-il.

– Qu’est-ce que je fais, alors ? J’appelle tous mes ex pour leur annoncer la bonne nouvelle ?

– Commence par prendre rendez-vous chez le médecin, histoire de vérifier que tu as bien quelque chose.

Je me mouchai bruyamment.

– Ouais, t’as raison. Merci, ma chérie !

– De rien, poussin. Si tu es trop tout croche, va-t’en chez toi et appelle-moi. Je réunirai le dream team et on ira te rejoindre.

– Non, je devrais être correcte. Qu’est-ce que tu fais, aujourd’hui ?

– Tu ne te souviens pas ? C’est ce matin que je vais réaliser le rêve de ma vie. Je vais donner une conférence aux étudiants en communication à l’UQAM.

Ses parents ayant tous deux un doctorat, Mélanie s’était toujours sentie coupable de ne pas avoir suivi leur exemple. Au cégep, elle avait rêvé d’étudier en philosophie et de devenir professeure, mais ses deux parents ayant une piètre estime de ce champ d’expertise, elle y avait renoncé de peur de leur déplaire.

– Tu es nerveuse ?

– Oui, un peu. Mais je suis prête.

– Tu vas les éblouir, j’en suis certaine.

– Merci, pitoune !

– Bonne chance, alors ! Bisous.

– Bisous.

Voilà ! Tout à coup, je me sentais un peu mieux. Ah, les copines ! Qu’est-ce que je ferais sans elles ? Le dream team, c’était Mélanie, Solène et moi. Mélanie et moi nous étions rencontrées à l’école primaire, et depuis, nous étions inséparables. Comme moi, elle était directrice de production, mais en publicité. Elle avait un chum régulier depuis cinq ans avec qui elle filait le parfait bonheur. Elle était écœurante de sérénité. Car malgré ses lubies et ses idées un peu folles, Mélanie était la personne la plus saine d’esprit que je connaisse. Ce qui était presque dommage car ses parents étaient tous deux psychologues.

Nous avions trouvé Solène à l’école secondaire. C’était avec elle que j’avais fait – et que je faisais encore – les pires conneries. Quand nous étions ensembles, notre âge mental diminuait de moitié. On s’encourageait l’une et l’autre à la débauche et ça n’avait plus de fin. Elle était maintenant courtière immobilière et toujours célibataire. Elle avait à peu près autant de chance que moi avec les hommes.

Toc, toc, toc.

– Justine ?

Mon amant. Je tournai le loquet et la porte de la toilette s’ouvrit sur le très viril Marc.

– Ça fait trois fois que j’appelle à ton bureau. J’en ai déduit que tu te cachais ici.

C’est vrai qu’il me connaissait bien, Marc. Ça faisait six ans qu’on travaillait ensemble. Notre aventure, elle, était toute récente. Je tentai de dissimuler mon air piteux :

– Tu n’es pas en réunion avec le réalisateur et le monteur pour les effets spéciaux ?

– Oui, mais ils ont décidé d’aller « s’en griller une », grogna-t-il en mimant les guillemets avec ses doigts. Ça fait même pas une heure qu’on a commencé la réunion et c’est déjà leur troisième pause cigarette. Cette foutue réunion ne finira jamais. En plus, j’ai pas tout à fait la tête à ça, ajouta-t-il en me détaillant d’un air salace qui fit frémir mes ovaires.

Cher Marc. Je lui avais peut-être refilé mes bibittes et il me regardait quand même comme si j’étais la chose la plus désirable sur Terre.

D’un coup de pied, je refermai la porte. Celle-ci se rouvrit aussitôt.

– Ne me regarde pas comme ça, prévins-je lentement.

Il me tendit la main. Je la pris et il m’attira contre sa poitrine.

– C’est toi qui es marié, ça devrait être à toi de résister, ajoutai-je en priant très fort pour qu’il ne résiste pas.

En guise de réponse, il m’empoigna les fesses et plaqua sa bouche sur la mienne, cherchant ma langue. Je m’agrippai à ses épaules, il me souleva et m’appuya sur le lavabo pendant que je promenais mes mains sur son dos musclé.

Deux éclats de rire fusèrent dans le couloir jouxtant la toilette. Marc se libéra de mon étreinte et il se jeta dans un cabinet dont il referma prestement la porte. Je soupirai. J’en avais assez de me cacher. Je savais qu’il ne quitterait jamais sa femme, mais pourtant j’espérais toujours qu’il me fasse la grande déclaration même si, de toute façon, je ne voulais pas vraiment avoir une relation sérieuse avec lui. Je ne sortirais jamais avec un gars capable de tromper sa femme.

Je me tournai vers le miroir et, en un coup d’œil, j’évaluai les dégâts qu’avaient provoqués ma crise de panique et notre sauvage étreinte. Je contemplai les poches rouges sous mes yeux, ma jupe qui avait fait demi-tour et mon cache-cœur qui laissait entrevoir un soutien-gorge noir assez frivole. Je me rajustai en vitesse, mais les deux personnes passèrent devant les toilettes sans s’arrêter.

– Passe-moi ma sacoche !

Marc me tendit mon sac sous la porte. Je respirai deux grands coups. Heureusement, les anxiolytiques faisaient effet. Je sortis mon petit coffret Benefit et j’entrepris de me ravaler la façade.

J’entendis Marc ouvrir sa fermeture éclair, et le son caractéristique du jet d’urine frappant l’eau de la cuvette résonna dans la petite salle de toilettes.

– As-tu pris rendez-vous chez le médecin ?

Marc sortit du cabinet en remontant sa fermeture éclair.

– J’ai pas encore eu le temps.

Je me retournai vers lui et il m’écrasa les lèvres sous un baiser violent. Puis, avec désinvolture, il se replia vers la porte.

– J’y retourne. Je vais probablement finir tard ce soir pour terminer la séquence 8 ; je t’appelle.

– Marc !

Il me regarda, une main sur la poignée de la porte.

– Je suis désolée pour… commençai-je.

– Ça va ! répondit-il avec un clin d’œil.

Puis il me souffla un baiser et disparut dans le couloir. Je me sentis insultée par sa réaction. Le salaud n’avait même pas essayé de prendre sa part du blâme. En deux mots, il avait rejeté sur moi seule le fardeau du péché originel. C’était lui qui avait femme et enfants et c’était moi qui me sentais coupable ? J’aurais voulu avoir la présence d’esprit de riposter en lui lançant une réplique assassine qui l’aurait foudroyé sur place, mais… trop tard.

Un volcan explosa dans mon estomac. Merde. C’est vrai que je somatise beaucoup ! Je baissai la tête, découragée, et mon regard tomba sur ma plaquette d’antiacide. Sauvée !

Chapitre 2

Drama Queen

Je décidai de prendre mon courage à deux mains et d’aller à l’urgence. Je devais absolument savoir si j’étais bel et bien contaminée. Je me rendis donc à l’Hôpital général juif, où j’étais à peu près certaine de ne rencontrer personne de ma connaissance, et j’essayai de persuader l’infirmière que mon cas était urgent, ce dont elle doutait fort, surtout lorsque je lui avouai que je faisais systématiquement mettre des condoms à mes partenaires et que je ne m’injectais aucune drogue. Voyant qu’aucun raisonnement ne venait à bout de son intransigeance, je décidai d’essayer la pitié. Je me mis à pleurer et elle se résigna à m’envoyer dans la petite salle d’attente, où je pris place pour me ronger les ongles. On vint me chercher au bout d’une demi-heure pour me faire une prise de sang, puis on me recracha dans la salle d’attente.

Je passai les deux heures suivantes à hyperventiler pendant lesquelles mes problèmes prirent des proportions astronomiques. J’attrapai mon Moleskine et commençai une nouvelle liste que je nommai « Conséquences éventuelles ». J’avais la manie de faire des listes. Je faisais des listes sur tout et pour tout. C’était efficace pour tracer le portrait d’une situation et il ne fallait pas nier l’effet euphorisant de rayer d’un violent trait noir la tâche qu’on venait de terminer. Malheureusement, je dus en venir à la conclusion que le portrait de la situation présente était plutôt catastrophique. Non seulement ma vie était finie parce que j’allais mourir des complications d’une des nombreuses maladies vénériennes que j’avais contractées au cours de ma vie de débauchée et que j’avais commis un infanticide en la transmettant à la conjointe de mon amant, mais en plus j’allais sûrement me faire virer pour avoir eu des relations sexuelles avec un collègue de bureau. Je me rappelais qu’on m’avait fait signer un accord stipulant que j’acceptais la convention en matière de harcèlement sexuel. Convention que je n’avais jamais lue, mais dans laquelle je me souvenais qu’« il est formellement interdit de jeter des regards insistants et concupiscents sur ses collègues de travail peu importe le sexe ». Je me souvenais de ce détail car nous avions beaucoup ri de ce paragraphe au bureau et nous étions amusés pendant deux semaines à essayer de nous « jeter des regards insistants et concupiscents » pour blaguer. Si les regards étaient condamnables de renvoi automatique, les actes sexuels complets avec extra devaient sûrement faire l’objet de lapidation publique.

Je fus sauvée d’une nouvelle crise d’anxiété par l’arrivée inopinée de Solène, qui avait pris congé de son bureau pour venir me tenir compagnie dans mon malheur. Je l’accueillis en sauveur.

– Solène !

Toute l’attention des personnes qui se trouvaient dans la salle d’attente se tourna vers nous. Nous parlions fort et il fallait dire que Solène était assez pétard avec sa longue chevelure noire ailede-corbeau et son teint pâle, et qu’elle s’arrangeait toujours pour ne pas passer inaperçue.

– Salut, Ju ! Mélanie m’a appelée pour me raconter. On a parié que t’allais te rendre au moins au niveau rouge sur l’Échelle de Dramatisation Justine. En fait, on n’a pas parié parce qu’on était toutes les deux d’accord. Et comme je me cherchais une bonne raison pour procrastiner, me voici !

Elle déposa son fourre-tout sur la chaise contiguë et envoya valser son toupet en un grand mouvement de tête qui aurait bien pu servir à illustrer une publicité de shampoing.

– Je suis vraiment contente que tu sois là, lui avouai-je, instantanément soulagée.

– Ça fait longtemps que tu attends ?

Je consultai ma montre.

– Deux heures trente-huit minutes très exactement.

– Alors ? Raconte !

J’entrepris de lui relater ma conversation avec Marc et les conclusions auxquelles j’étais arrivée. Elle me fit les mêmes commentaires que Mélanie et m’assura que je n’avais rien, ce qui, bien qu’étant tout à fait gratuit, me fit le plus grand bien.

– Pourquoi ça m’arrive toujours à moi, ce genre d’histoires glauques ? demandai-je en faisant semblant de m’ouvrir les veines avec une lame de rasoir imaginaire.

Solène se mit à rire.

– Tu n’as quand même pas le monopole des mts! riposta-t-elle sur un ton un peu trop fort à mon goût. Mais c’est vrai que tu as le don de provoquer des situations assez bizarres.

– Comment ça, provoquer ? montai-je sur mes grands chevaux. Tu n’insinues quand même pas que c’est moi qui…

– Justine Roberge ! appela une infirmière qui aurait eu l’air sympathique si elle n’avait pas ressemblé à un bulldog.

Je pourrais peut-être lui demander si elle avait envie de faire de la télévision : la boîte de Mélanie était justement en train de tourner une série de pubs télé pour Fido et elle avait de la difficulté à trouver des figurants. Toutefois, étant donné les difficultés qu’il y avait à se faire soigner de nos jours, il valait peut-être mieux éviter d’insulter le personnel. Je fermai donc ma grande gueule, ce qui constituait un effort monumental pour moi qui avais autant de tact qu’un dix-huit roues.

L’infirmière me fit pénétrer dans une salle d’examen et elle tira un rideau qui servait de porte.

– Si vous voulez avoir vos résultats en cinq jours vous devez payer deux cents dollars, sinon ça prendra six mois. Avez-vous une assurance ?

Six mois ? Même la couleur de mes cheveux ne durait pas aussi longtemps. Je sortis ma carte de crédit et la lui tendis. J’aimais bien ces nouveaux frais qu’on vous chargeait à l’hôpital. Ils me rappelaient que j’étais une cliente et ça dédramatisait un peu ma situation.

Elle me désigna la table de consultation.

– Enlevez votre pantalon et votre culotte et allongez-vous en mettant vos pieds dans les étriers. Vous pourrez mettre ça sur votre ventre, ajoutat-elle en me tendant un drap industriel d’une jolie couleur vomi.

Je jetai un regard vénéneux aux étriers. Pour moi, la table de consultation gynécologique arrivait juste derrière le bas de nylon dans les inventions masculines destinées à humilier la femme.

L’infirmière disparut et je me déshabillai. Je m’assis sur le bout de la table pour retarder le moment où j’aurais à m’y étendre. Puis je me relevai, les fesses à l’air, pour aller tirer complètement le rideau que l’infirmière avait laissé un peu entrouvert, mais un jeune docteur aux dents bleachées pénétra dans la salle de consultation. Je me précipitai vers la table en rougissant.

– Je suis le docteur Wells, se présenta-t-il professionnellement en consultant mon dossier vierge – lui. Alors, on a des petits soucis ?

Je pris la position de la honte et lui racontai mes « petits soucis », tout en évitant de donner trop de détails embarrassants – lire : que mon amant était marié et que sa femme était enceinte. Ensuite, il fit un prélèvement et me répéta que les risques de contracter une mts avec un condom étaient pratiquement nuls. Bref, que je dramatisais. Je rougis pour la deuxième fois. Je lui répétai à mon tour les symptômes de mon supposé conjoint, mais il m’assura que ça pouvait être n’importe quoi. Il m’adressa un sourire décapant, puis repartit en me souhaitant une bonne journée.

Je me rhabillai et avalai un autre anxiolytique. Je rejoignis Solène, qui patientait dans la salle d’attente, et nous décidâmes d’aller prendre un verre au Gainzbar. Nous venions juste, Solène et moi, de découvrir cet endroit. Ça faisait seulement quatre fois qu’on y allait et pourtant tout le personnel du bar connaissait déjà nos noms.

La soirée dégénéra rapidement. J’ingurgitai un nombre indéterminable de bières et de shooters de tequila. Quand je commençai à démontrer des signes de fatigue et à parler de rentrer à la maison, Solène me tira aux toilettes pour faire une ligne. Cela nous remit assez pour nous permettre de suivre les serveurs dans la ruelle derrière le bar et partager un joint avec eux.

Je rentrai vers 1 heure, nauséeuse mais heureuse d’avoir réussi à éviter de penser à mes « petits soucis ». Je dus pourtant prendre deux cachets d’antiacide pour réussir à apaiser le torrent de lave qui coulait dans ma gorge. Je me réfugiai sous mes draps, mais le sol tournait autour de mon lit et je dus me relever. Je retournai donc au salon où j’allumai la télé que je refermai après avoir fait quatre fois le tour de tous les postes. Je contemplai le plafond qui dansait sous mes yeux. Merde. Et je n’allais savoir que lundi prochain. Je soupirai. Sept jours. Ça me semblait une éternité. Et si j’avais le sida ? Je me mis à pleurer.


À suivre dès le 7 mars en librairie.